Premier amour de Joyce Carol Oates (1998)
Josie est entraînée par sa mère jusqu'à la grande demeure des Burkhardt. La petite fille de 11 ans ne sait pas pourquoi elles ont fuit le domicile conjugal et le père de Josie.
C'est dans cette maison qu'elle éprouve son premier amour, si on peut utiliser ce terme pour qualifier ce qui se passe à l'abri des regards. Car c'est là qu'elle rencontre Jared jr, son cousin de 25 ans. Elle est terrorisée par lui, son autorité, puis se met à l'aimer malgré ce qu'il lui fait subir dans sa démence.
Le résumé parle d'un livre sensuel, le plus "érotique qui soit", où l'on ne sait s'il est immoral ou onirique.... chacun son opinion. Je dirais un mélange des deux mais l'onirisme du texte (la manière dont l'histoire est racontée avec toutes ces images, cette description à la limite du poétique) n'efface pas le côté immoral, et pas de trace d'érotisme. Le résumé n'évoque pas les 11 ans de l'enfant et les 25 ans de l'être aimé. Ni qu'il a des crises de démence, ni ce qu'il cache dans ses tiroirs ou ses livres théologiques. Il y a une grosse part de pédophilie, même si elle se croit amoureuse de son cousin. Elle est entièrement sous son contrôle.
Cela se confirme dans les choses qu'il lui demande de faire ou qu'il lui fait. Mais encore plus dans celles de cacher aux autres. Elle ne doit rien dire, et voilà qu'elle ment à sa mère. Pas des scènes décrites, nous devinons ou essayons de ne pas deviner ou imaginer. L'horreur de la chose est là, accentuée par la manière dont l'auteure l'introduit. Elle décrit quelque chose puis rajoute une liste de lieux isolés, là où ça s'est passé.
On sent la faute même si dans le texte lui-même les choses sont cachées. Pas dans des buissons, derrière des plantes, mais des broussailles de mots.
D'ailleurs Jared n'est pas toujours humain, puisqu'il prend la forme du serpent, qui se faufile dans les marais, la surprend, l'effraie, sinueux, marque du péché à travers l'image du serpent, voire de tentation ? Sa couleur noire rajoute du malsain dans tout cela. Ou bien celle du faucon, qui observe, épie sa proie, et lui tombe dessus sans prévenir. Un prédateur vorace et efficace. Lui aussi noir.
Voici un extrait du texte qui parle pour lui et nous rappelle la chanson de l'aigle noir : "Le faucon noir. [...] bec pointu, plumes noires, ailes déployées, le beau faucon s'élevait dans le ciel en spirales languides et tandis que tu retenais ton souffle plongeait en piqué dans le marais enneigé pour fondre sur ses proies, ces petits oiseaux, geais bleus, mésanges [à supposer elle, ou la petite Bobbie, 5 ans, ou les autres enfants victimes), moineaux, incapables de se défendre tant il les dominait par sa stature, sa force et l'habilité de son attaque, ne laissant sur la neige d'autres traces que quelques plumes éparses ensanglantées et l'empreinte de battement d'aile [supposition du silence, personne ne doit savoir, il faut cacher] car le faucon noir soulevait sa proie dans ses serres puis l'emporter pour la dévorer" [...]
Le terme "beau apparaît" mais ne cache pas la menace que sous-entendent ces mots.
Le côté onirique est présent de part l'impression d'être dans un rêve, une sorte de brouillard dans les phrases, la manière de décrire ou d'annoncer les faits, où chaque personnage, de la mère à la tante, en passant par Jared, sont des apparitions, des fantômes dans sa vie.
De mon côté il m'a dérangée...
Marion (Source image : Babelio)