Les palimpsestes d'Aleksandra Lun (2018)

Publié le par Marion L.

Les palimpsestes d'Aleksandra Lun (2018)

Un mois à thème à retrouver tous les mercredis du mois de mars autour de l'absurde et du loufoque.

     Czeslaw Przesnicki, 35 ans, est un écrivain d'origine polonaise. Il a jusqu'ici écrit un seul livre qui s'est vendu à six exemplaires. Le voilà interné dans un asile en Belgique. Parce qu'il a écrit ce livre non pas en polonais mais en antarctique. Il est un migrant littéraire dans le sens où il n'a pas écrit dans sa langue maternelle.

     Il partage la chambre d'un religieux et croise de nombreuses personnalités comme Beckett ou Ionesco. Tous enfermés ici parce qu'ils n'écrivent pas dans leur langue d'origine.

"- Vous pensez qu'ils savent, mieux que nous, quelle est notre langue maternelle ? ai-je sangloté, et la doctoresse nous a adressé un regard impassible en notant quelque chose dans son carnet. Vous croyez qu'ils doivent absolument nous attribuer une culture précise ? ai-je poursuivi, le souffle court. Une origine claire ? Une langue déterminée ?

[…]

- Vous croyez qu'en mettant de l'ordre chez nous, ils en mettent dans leur propre monde ?

Ionesco a serré les lèvres et m'a adressé un regard las.

- Pourquoi les gens s'attendent-ils à ce que les auteurs répondent à des questions ? a-t-il demandé en ouvrant la porte. Je suis auteur parce que j'ai envie de poser des questions. Si j'avais des réponses, je serais politicien." (pages 105-106.)

     Je ne sais pas quelle piste de lecture donner à ce livre. Parce qu'il y en a plusieurs. Un mélange entre l'absurde de Ionesco, l'étrange de Kafka. Il peut donc être lu au premier degré, comme un livre burlesque, à la limite du comique. Ou, au contraire, cacher une multitude de choses. Le début de la citation sera ma lecture.

     La folie est là, mais dans quel camp ? Je m'explique. Nous sommes avec Czeslaw, dans sa tête. Il paraît, quand on ne creuse pas, assez normal. Il a fui la Pologne en période de chute du Mur, de disette, du communisme. Homosexuel, il n'a pas connu d'homme depuis longtemps et a même perdu son compagnon. On lui reproche surtout de ne pas écrire dans sa langue maternelle.

     Et en même temps, des indices nous prouvent qu'il n'est peut-être pas si net. Car est-on vraiment juste après la chute du Mur ? A-t-il vraiment vécu tout ce qu'il pense avoir vécu ?

     Mais en face, sont-ils clean ? Absurde de les prendre pour des fous pour si peu (la langue). D'où la citation. A travers ce fait, est-ce juste de l'absurde pour l'absurde ? Ou une représentation absurde d'un fonctionnement de pensée qu'on retrouve dans notre société ? Ce contrôle, ce jugement, ces cases.

     Le livre est une suite de répétition et étrangement, ça fonctionne. Le contexte du livre permet cette répétition, comme une litanie, comme un moyen rassurant pour ces fous que nous côtoyons. La répétition de scène, mais surtout de phrases. Comme un rituel, en quelque sorte.

Très étrange, il est difficile de parler de ce genre de livres. Surtout que je ne veux pas m'y enfoncer et devenir trop littéraire, trop analyser.

     Une couverture assez laide, il faut l'avouer. Mais assez représentative de ce qu'il contient, bariolé, absurde, fou. Il y a tout, Hitler l'hyperactif, le canari du prêtre, les auteurs (d'ailleurs est-ce vraiment eux ou des gens qui se prennent pour eux ?), Rex le chien policier, Staline, le vélo d'appartement, le coq du prêtre.

Est-ce que j'ai aimé ? Difficile de se positionner. C'est du bon, de bonnes trouvailles mais trop marginal pour un avis tranché.

Marion (Source image : librairie Durance).

Publié dans Humour

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M
Je comprends ton avis. Ce n'est pas facile d'aimer les livres trop décalés mais apparemment tu as passé un bon moment de lecture et il n'y a pas tant que ça de livres loufoques et absurdes. Le tout c'est d'arriver à suivre les propos de l'auteur car parfois on décroche facilement sur ce style de lecture. En tous les cas, merci de nous le présenter et c'est bien vrai que la couverture n'est pas attirante du tout !! Belle soirée Marion
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M
Avec celui-ci, j'ai vraiment passé un bon moment, j'ai été agréablement bien surprise.<br /> Elle est un peu laide. Si ma collègue ne l'avait pas acheté et si je n'avais pas été séduite par le concept, je n'y serais peut-être pas allée.<br /> Belle soirée à toi aussi.