Bonheur TM de Jean Baret (2018)

Publié le par Marion L.

Bonheur TM de Jean Baret (2018)

Trilogie Trademark. Les différents tomes de la trilogie peuvent être lus de façon indépendante.

      Alors, comment le résumer ? (même l'éditeur a mis un extrait en quatrième de couverture). Il s'agit d'un roman d'anticipation sociale et culturelle, basée sur une pensée philosophique.

    Dans ce monde futuriste : "je consomme, donc je suis", chaque citoyen est sponsorisé par une entreprise et porte son nom. C'est le cas de notre personnage principal, Toshiba.

     Toshiba est policier. Un policier au sein de la Section des crimes à la consommation. Car ne pas consommer est devenu un crime et Toshiba et ses collègues cherchent les fraudeurs. Un algorithme analyse la consommation des citoyens et fait remonter les incohérences.

     Lors d'une enquête, Wilmart, son collègue, soupçonne un Netrunner de ne pas être net et décide d'enquêter.

     Un netrunner est une catégorie de personnes qui a décidé de quitter le monde réel pour un monde numérique.

Dans ce monde tout est possible et plusieurs communautés se sont créées : cyborgs, surhumains, transhumains… la science s'est développée et n'a plus de limite.

     Jean Biret nous offre une civilisation de consommation poussée à son extrême, dans le but d'illustrer les propos d'un philosophe français : Dany-Robert Dufour.

     Dany-Robert Dufour a écrit sur l'homme qu'il décrit comme une espèce atteinte de néoténie car l'homme naît inachevé. Et c'est ce qui l'a poussé à inventer la culture. Et que nous sommes tombés sous l'emprise d'une nouvelle religion, celle du marché. Il développe également l'idée que le principe libéral a un côté dévastateur sur toutes les économies : marchande, politique, psychique… Notre société développe notre égoïsme, en fait un principe premier. Ce qui influence nos comportement : l'égoïsme absolu, comme l'exhibait Sade autrefois.

     Selon lui (et toujours comme idée exploitée), cela a un impact sur les trois sphères fondamentales de l'homme : le travail (il n'est plus créateur, mais aliénant et désubjectivant. Nous le voyons avec Toshiba) ; le loisir (désormais envahi par la consommation. Ici on parle de temps de cerveau disponible. Il faut l'offrir à la consommation) ; et l'amour (l'érotisme est transformé en pornographie ; réalisation de tous ses fantasmes. Un aspect traité dans le livre avec une forte présence de ces deux aspects.)

"C'est simple : votre temps de cerveau disponible est primordial pour le fonctionnement de l'économie. Consommer est un devoir civique. Mais des courants subversifs poussent certains à l'oisiveté, à passer du temps sans consommer, et mettent au point des systèmes élaborés de tricherie. Vous pourriez par exemple avoir transféré une grosse somme d'argent à ce médecin, ce qui vous libère d'avoir à consommer pendant une bonne quinzaine de jours. Du coup, vous pourriez, je ne sais pas, moi, faire de la poésie, vous balader dans la nature ou je ne sais pas quelle autre ineptie plutôt que de dépenser". (page 41)

     Merci à Wikipédia. Je partage ces informations car il s'agit de la grille de lecture du livre. Il a poussé les concepts de Dany-Robert Dufour à leur maximum.

     Il y aurait encore beaucoup à dire, notamment que Jean Baret joue sur la répétition, sûrement pour révéler la boucle infernale dans laquelle ils sont enfermés. Tous les matins, on leur demande s'ils ont consommé, puis la femme robot de Toshiba lui demande s'il veut du sexe oral. Il mange toujours la même chose, part travailler dans un véhicule automatisé, consomme, se fait harceler par des hologrammes publicitaires et travaille. Tous font la même chose. Mais au fil de l'histoire il y a des failles, des changements.

     Et chaque fois qu'il passe dans un ascenseur il y a une émission qui est diffusée. C'est par elle que nous en apprenons plus sur ce monde car soit il s'agit d'un débat sur un sujet qui confronte plusieurs experts, soit c'est une actualité sur le terrain.

"[…] talk show d'actualités The Shot Heard Round The World peuplé d'invités particuliers : des citoyens ayant décidé d'adopter leur clone. […] Minute Girl demande à un homme accompagné de son clone âgé de 5 ans s'il a conscience de réclamer la reconnaissance gouvernementale d'une famille mono-individuelle. L'homme dit :

"Oui, je réclame le droit de m'auto-éduquer. […] Junior est bien plus aimé que je ne l'ai jamais été. J'ai besoin d'avoir des droits parentaux sur lui. La famille est tellement diverse aujourd'hui, ne dites pas le contraire ! On a des couples monogames ou polygames, hétérosexuels ou homosexuels, multiraciaux ou pas, mutant ou pas, transhumains ou Dieu sait quoi d'autre, et moi, je n'aurais pas le droit d'être le père de mon clone ? Par quelle hypocrisie n'aurais-je pas ce droit ? Il y a bien des gens qui se marient avec des robots !" (page 101)

Un livre qui peut dérouter, mais un roman d'anticipation digne d'un "1984" ou d'un "Fahrenheit 251". A suivre (ou pas, on peut les lire comme on veut) avec "Vie TM".

Marion. (Source image : la librairie Durance.)

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