Nos disparus de Tim Gautreaux (2014)

Publié le par Marion L.

Nos disparus de Tim Gautreaux (2014)

Le bayou vous accueille !

     Tout commence en France à la fin de la première guerre mondiale. Sam Simoneaux y est envoyé pour participer à l'effort de guerre. Lui et les autres arrivent alors que la fin de la guerre est déclarée. Il sera chargé du grand nettoyage des lieux infestés d'obus, de balles, de grenades... de nombreuses armes encore actives qu'il faut détruire.

     De retour au pays il travaille dans un grand magasin, chez Krine. Jusqu'à ce qu'une petite fille de trois ans soit kidnappée. Il essaie de l'empêcher, mais échoue. Etant responsable de la sécurité du bâtiment, il en prendra toute la responsabilité et perd son job. Il fait donc un deal : s'il retrouve la fillette, il retrouve son emploi.

     Les parents de la petite Lily sont des artistes qui travaillent sur un bateau. Ce dernier fait des escales un peu partout pour que les gens dansent sur des airs de jazz. Sam, au chômage, y trouve une place. Il espère refaire le trajet du bateau pour repérer l'endroit où les kidnappeurs auraient vu la fillette et eu l'envie de l’enlever à sa famille. La petite Lily chante comme un oiseau et participait à quelques numéros, ce qui aurait pu attirer les malfaiteurs.

L'enquête peut commencer.

     Cette aventure le mène à côtoyer des gens de la pire espèce, quelque soit leur milieu sociale. Mais aussi à se pencher sur sa propre histoire, son passé, toute sa famille massacrée par des brutes alors qu'il était bébé, par vengeance. Ce sentiment de "justice" est omniprésent.

Il semble bien fondé et allant de soi par les personnages, alors que nous en voyons toutes les répercutions dans le livre, les réactions en chaînes, incontrôlables, et qui risquent de ne jamais connaitre de fin. Et Sam, qui a la présence d'esprit de dire stop, est jugé.

     Il lui faut des nerfs d'acier car même en faisant le bien et en réparant ses mauvaises actions, ou plutôt son peu de malchance, on l'accuse et on lui fait regretter encore et toujours ce qu'il tente de réparer.

Ce n'est pas tout à fait une histoire policière car la recherche de l'enfant est un fil conducteur, une histoire en fond, mais pas ce qui est mis en avant. Ce qui est mis en avant ce sont surtout les relations humaines, ce que les hommes sont prêt à faire, les réactions dans certaines situations (vengeance, ressentiment, pardon...) L'enlèvement est là pour mettre le reste en avant.

     Le résumé du livre nous dit "Sam met au jour un commerce d'enfants mené par quelques spécimens peu reluisants de la pègre du bayou" et avec le titre "Nos disparus", nous nous imaginons un vaste trafic d'enfants au fin fond de la Louisiane où les marécages et les lieux sauvages sont maîtres. Certes ce trafic existe mais il est à peine abordé et ne constitue en rien l'intrigue de cette histoire qui se focalise principalement sur l'enlèvement de la petite Lily.

Une vraie difficulté pour ma part à entrer dedans. Peut-être parce que mon contexte personnel ne s'y prêtait pas, ou que l'attendais cette histoire de trafic que laissait entendre le résumé. Alors que l'on se retrouve avec des soldats qui nettoient les champs de bataille.

     Le début est quand même important car le retour de la guerre modifie ces hommes. Même ceux qui comme Sam sont arrivés à la fin. Ils ont aussi vu l'horreur, ou plutôt l'ont imaginée, en tentant d'en réduire les dégâts. Mais quand on ne s'y attend pas, ce début peut nous surprendre. Quoique, au fond, c'est surtout le passage d'un livre à un autre qui m'a demandé un temps d'adaptation. Restons honnête.

Ce temps passé, ce livre en vaut vraiment la peine. Il nous entraîne vers d'autres contrées dans une histoire qui, une fois bien commencée, ne perd pas son souffle et ressemble à un courant.

     Filons cette métaphore. Les situations coulent d'elles-mêmes, parfois paisiblement, parfois avec plus de tumulte. Et ce qui se passe en amont a des conséquences sur ce qui arrive en aval, ici représenté par l'enlèvement et tout ce que cela implique (qu'on peut symboliser par un barrage car des vies sont mises en suspens en attendant le retour de cet enfant, entre la famille ou Sam qui met sa vie entre parenthèse). Mais aussi le passé de Sam et ce massacre (symbolisé par une déviation, un changement de trajectoire de l'eau), car même s'il ne s'en souvient pas, ce massacre a donné un nouveau sens à sa vie, entendons là une nouvelle direction. Il ne serait pas le même sans cela. Ainsi qu'il agirait autrement, s'il n'avait pas vu le désastre de la guerre, et le danger immuable des armes. L'histoire de chacun créait une personnalité et une manière de voir le monde.

Voilà ce qui ressort de ce livre et sur quoi, à mon avis, il met l'accent. Tout cela dans un décor très réaliste, car même sans être allé sur le Mississippi, ou en Lousiane, on s'y voit. Une réelle atmosphère est créée et elle s'adapte vraiment bien à cette histoire. Avec ces lieux où le wild existe encore et où il est tellement simple de se faire justice soi-même, ou de perdre quelque chose de son âme... à méditer.

Marion (Source image : médiathèque de Neuville)

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M
Moi aussi j'ai beaucoup aimé ce roman que j'ai découvert lors de sa sortie (pour une fois !!). J'ai appris aussi beaucoup de choses que j'ignorai en le lisant...L'ambiance est formidable et très dépaysante.
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M
Tu as bien résumé la chose. Une véritable plongée dans le bayou.