Tempête d'une nuit d'été de Meg Rosoff (2021) SP

Publié le par Marion L.

Tempête d'une nuit d'été de Meg Rosoff (2021) SP

Encore un livre d'amour de vacances pour ado ? Non. Voici une tragédie. Meg Rosoff reprend les codes de ce genre de romans pour mieux les détruire. Un roman aux retours lecteurs mitigés. Il est sorti le 26 mai. Merci aux éditions Rageot pour l'envoi avant sortie.

L'histoire :

     Une famille passe ses vacances d'été en bord de mer dans la maison familiale. Les étés se ressemblent presque tous. Chacun a son coin à lui et ses habitudes.

Je vous présente la famille en quelques mots :

     La mère a son atelier couture à part ; le père est toujours le premier levé et part tous les ans avec Malcom faire un tour en voile ; Alex, le plus jeune, observe la nature et notamment Chauve-Souris TV (il a installé une caméra dans une installation pour chauve-souris qu'il a faite) ; Tamlin passe tout son temps avec son cheval et ses amis du centre équestre ; Mattie, qui devient une magnifique jeune femme, fait sa "Mattie" ; La cousine Hope qui aurait pu être une grande actrice mais qui a choisi une autre voie loge avec son compagnon, Malcom (acteur de théâtre), dans la maison voisine. Et le narrateur qui dessine et regarde le monde à travers un télescope depuis sa chambre.

"Mattie, c'est comme un arbre qui tombe dans une forêt : il faut qu'il y ait quelqu'un pour la remarquer, sinon elle a l'impression de ne pas exister" (page 36 sur liseuse)

Reprenons l'histoire...

     Mais cet été sera différent car deux frères vont passer les vacances avec eux : Hugo et Kit Godden. Leur mère, une célèbre actrice et marraine de Hope, les dépose. Le premier est sombre, timide, asocial et souvent invisible. Le second est lumineux et magnifique. Il charme tout le monde dès les premières secondes. L'apparence est plus que trompeuse.

     Mattie tombe folle amoureuse de Kit. Le narrateur (ou la narratrice) le remarque vite et en ressent une pointe de jalousie. Du coup, il/elle ne lui vient jamais à son secours, même quand la toxicité de Kit est criante.

Retour de lecture :

Le personnage du narrateur :

     Il m'a un peu perturbée car je n'ai pas su dire s'il s'agissait d'une fille ou d'un garçon. Nous n'avons même pas son prénom. Tout est fait pour que nous ne puissions pas nous décider (même si tous les avis que j'ai lu disent qu'il s'agit d'une femme... pourquoi ? Il/elle jalouse sa sœur comme le ferait une sœur mais il/elle jalouse avant tout sa beauté et les avantages que cela lui apportent... un homme pourrait le faire. Il/elle se comporte parfois comme un garçon dans ses attitudes et son langage mais une femme peut très bien être comme ça aussi...)

     Ce personnage qui nous raconte tout a des caractéristiques des deux sexes, n'est jamais décrit, et l'autrice (bravo la traduction) ne laisse rien filtrer grâce aux accords (pas de verbe être pour lui/elle. J'ai vérifié... justement après avoir vu autant de lecteurs dire qu'il s'agit d'une femme. Qu'il n'y ait aucun accord dans tout le livre souligne la volonté de l'autrice de ne pas en mettre.) Je pense que ce fait est important dans l'histoire. Ou au contraire, que son sexe n'est pas du tout important.

     Bref, il/elle est l'observateur de la tragédie qui se joue. Un spectateur/acteur qui voit, comprend, mais n'agit pas vraiment. A côté de ça, il y a les adultes qui ne voient rien. Pourtant le loup (Kit) est dans la bergerie. Il séduit tout le monde. Il a cette capacité de tout détruire autour de lui. Hugo, son frère, est tout son contraire. Ce duo est d'ailleurs intéressant.

Un roman d'amour estival ? Pas vraiment.

     Meg Rosoff reprend certains codes des romans d'amour estivaux : la jeune fille qui devient femme, le blond et le brun qui entrent en scène pour faire chavirer les cœurs, la passion intense mais brève (qui ne doit durer qu'un été après tout), les premières expériences, les parents présents mais aveugles et sourds. Elle les reprend pour mieux les détourner. Ce livre n'est pas un roman d'amour de vacances.

Je l'ai lu d'une traite, accaparée par l'histoire et tout ce qui se joue. L'écriture de l'autrice n'y est pas étranger.

L'importance du théâtre :

     Le théâtre à travers Mal, Hope et Kit - qui souhaite suivre les traces de sa mère actrice - est très présent, notamment Shakespeare, ce qui ne doit pas être anodin (rien que le titre...) La forme du récit, les personnages, leurs actions, la manière de raconter du narrateur qui se rapproche d'une voix off... donnent à l'ensemble une allure de pièce.

     A quel point sont-ils des acteurs ? Quel est leur rôle et comment l'interprètent-ils ? Je vais peut-être trop loin mais nous en revenons aux codes détournés. Les personnages jouent un rôle qui ne devrait pas être le leur (la fille qui doit vivre sa belle histoire n'est pas le personnage principal, le personnage dont il faut se méfier vous séduit...). Le livre se lance même avec : "Les comédiens sont en place".

     Les personnages et leurs relations sont au cœur de ce livre. Tout comme ce qui se passe en "coulisse". Le narrateur a des jeux de regards avec Kit, au milieu des autres, complètement à leur insu, sans que personne (ou presque) ne le voit.

     Il y a aussi toutes ces choses qu'il/elle voit à travers son télescope. Il/elle assiste aussi à des événements capitaux qui se font en cachette. Personne n'était censé les voir. Les personnages cachent des choses. Beaucoup d'événements ne se passent pas sous la lumière. Pourtant, d'autres ont lieu devant tout le monde mais personne ne regarde vraiment.

Ce sont toutes ces choses qui font les atouts de ce roman. Il m'a agréablement surprise, jusqu'au grand final. La moralité du narrateur serait-elle à remettre en question ? Ses raisons pour laisser sa sœur être détruite, sont-elles suffisantes ? C'est ce personnage qui a dû rendre les différents retours lecteurs mitigés.

Conseil de bibliothécaire ?

Ce roman s'adresserait aux 13 ans et +, à l'aise en lecture. Je ne pense pas que je le conseillerai aux amateurs du genre de la romance car ils viennent souvent y rechercher quelque chose qui n'est pas dans le livre. Par contre, avis aux adolescents qui lisent des romans autour de sujets contemporains ou plus sombres.

Marion (Source image : les éditions Rageot. Retrouvez le livre sur leur site : Tempête d'une nuit d'été)

Publié dans Jeunesse - Adolescents

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M
Et bien merci pour cette chronique très complète, c'est donc un roman pour grands ados, plutôt que préados, vu ce que tu en dis. Remarque le titre nous met déjà dans l'ambiance d'une histoire d'amour pas comme les autres avec le mot "tempête" un peu à double sens lui-aussi comme le sexe mystérieux du narrateur. Merci de cette présentation
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M
Je le conseillerai effectivement pour grands ados et non préados. C'est vrai que le mot "tempête" peut être à double sens. Ici il s'agirait d'une tornade qui perturbe des vies et laisse des survivants. Merci à toi pour tes commentaires.