Glory d'Elizabeth Wetmore (2020) SP
Un roman chorale qui ne pourra pas vous laisser indifférent et parlera à la femme en vous. Un grand merci aux éditions Les Escales pour ce bel envoi. Il fait partie de leur rentrée littéraire.
Gloria Ramirez est une jeune adolescente de 14 ans, un peu indépendante. Elle vit seule avec sa mère, Alma, venue du Mexique. En ce 14 février 1976, elle monte dans la voiture d'un jeune homme plus âgé qu'elle. Elle le fait sans arrières pensées et sans penser une seule fois à ce qui va arriver.
Elle se réveille, détruite, en morceaux, dans le désert Texan. Forte et courageuse, elle se traine jusqu'à une ferme qu'elle peut voir d'où elle est, malgré les barbelés et les détritus qui l'entaillent.
Cette ferme, c'est celle de Mary Rose Whitehead, enceinte et mère d'une petite fille. Elle est seule chez elle quand Gloria frappe à la porte. Elle est la première à la voir dans cet état, à croiser l'homme et à appeler le sheriff. Pour elle, c'était naturel d'aider cette enfant. D'autres pensent différemment car Gloria est une femme avec des origines Mexicaines (la totale...)
Ce sont les femmes qui parlent dans ce roman choral avec Gloria et Mary Rose. Mais aussi Corinne - la nouvelle voisine de Mary Rose quand elle s'installe en ville pour le procès - veuve depuis peu et qui ne se remet pas de la mort de son mari : Debra Ann, une enfant qui a perdu sa mère, partie, et qui erre ici ou là avec des amis imaginaires ; Suzanne qui veut réussir et montrer le meilleur exemple à sa fille, quitte à être envahissante pour tout le monde ; Ginny, enceinte trop jeune qui laisse sa famille derrière elle pour découvrir le monde comme elle aurait voulu le faire... et d'autres.
Ce roman s'intéresse aux femmes et nous offre des portraits assez variés, même si des éléments sont récurrents comme la grossesse précoce. Un fait qui leur fait quitter le giron d'un père pour celui de ce gars avec qui s'est arrivé. Et alors : adieu études et avenir meilleur.
Il y a donc ces histoires personnelles qui en disent long sur la condition de la femme aux Etats-Unis en 1976 et sur les conditions de vie.
Car là où elles habitent, il y a du pétrole et les hommes y travaillent. Et c'est un emploi pénible et souvent dangereux.
Les hommes sont présents dans cette histoire, mais vus à travers le prisme des femmes.
Et il y a surtout l'affaire de Gloria et le procès. Tout le monde a son opinion, des cul-bénites de l'église, aux hommes dans les bars, aux maris et aux voisins. Pour eux, Gloria est une pute mexicaine. Elle a choisi de monter dans cette voiture. On ne va pas ruiner la vie d'un gars pour une fille qui, en vrai, a aimé ça et l'a voulu.
D'autres sont ulcérés par ce discours, comme Mary Rose qui affronte les menaces pour aider Gloria.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce roman, je ne fais que l'effleurer. Une fois que je l'ai commencé, je n'ai pas réussi à m'arrêter avant la fin. Il ne met pas de coup de poing, mais il vous frappe. Raconter la vie de ces femmes est déjà marquant mais y rajouter Gloria et la justice des hommes le rend inoubliable. Elizabeth Wetmore réussit ici un magnifique jeu d'équilibre qui rend ses propos encore plus forts.
Marion (Retrouvez le livre sur le site des éditions Les Escales : Glory.)
"Les hommes meurent parce qu'ils essaient d'aller plus vite que le train et que leurs camionnettes calent sur les rails, ou parce qu'ils boivent et se tirent accidentellement dessus, ou parce qu'ils boivent, escaladent un château d'eau, et dégringolent l'équivalent de dix étages. Pendant la saison de castration, parce qu'ils perdent l'équilibre dans le couloir de contention et que le veau leur flanque un coup de pied dans le coeur. A la pêche, parce qu'ils se noient dans le lac ou s'endorment au volant sur le chemin du retour [...] Et les femmes, comment meurent-elles ? D'ordinaire, ce sont les hommes qui les tuent." (page 277)