Pierrot-la-Gravité d'Isaka Kôtarô (2012)
Izumi et Haru sont deux frères, très proches, même s’ils ne partagent pas le même père. En effet, Haru est issu d’un viol. Leurs parents ne leur ont jamais caché cela, ce qui pousse Haru à détester tout ce qui touche au sexe. Izumi, l’aîné, travaille dans une société de tests génétiques (la prédisposition à certains talents ou vices à travers les gênes revient sur le tapis.) Haru est engagé par la mairie pour effacer les tags qui polluent les murs de la ville. A côté, des feux volontaires sont provoqués ici ou là. C’est Haru qui remarque les tags particuliers qui annoncent – en quelque sorte – le lieu du prochain incendie. Un nouveau mot à chaque fois. Il en fait part à son frère et son père. Ensemble ils veulent résoudre ce mystère, et pourquoi pas, découvrir l’identité de ce pyromane tagueur. L’enquête commence.
C’est un roman policier dans un sens mais sans policiers (on devine leur présence une seule fois grâce au bandeau jaune qui entoure un endroit incendié ou vers la fin, quand on les évoque enfin.) Juste deux frères et un père qui tentent de percer un mystère sous forme d’énigmes et d’arrêter un « criminel » (même s’il n’y a pas eu de victime humaine, à part un vieil homme.)
A côté, il y a plusieurs fois des débats au sujet de choses plus vastes comme la justice, la famille, les gênes, les hommes de Cro-Magnon et la disparition des Néandertaliens… l’auteur sait des choses et n’hésite pas à nous le faire savoir à travers ses personnages. Donc souvent, on s’éloigne de l’histoire de base de cette façon.
Le thème de la famille et les relations entre les différents membres (de celle-ci du moins) revient souvent, surtout qu’Haru et Izumi sont en fait des demi-frères et que leur père n’est pas celui d’Haru.
Quelques retours dans le temps nous en apprennent plus sur les personnages. D’autres interviennent, comme un détective privé, un homme qui joue au proxénète ou encore une jeune femme stalker attirée par Haru.
On voit qu’il s’agit d’une autre société, une autre culture que la nôtre. Notamment dans les dialogues. Ils restent très vagues, pas de supplications, de grands sentiments dans les mots, ils restent calmes. Je ne vois pas deux occidentaux parler ainsi. Et nous-mêmes, lecteur (en tout cas moi), nous avons envie de rentrer dans le livre, de secouer Izumi pour qu’il pose plus de questions, qu’il insiste, qu’il fasse cracher le morceau à cette jeune femme. Elle reste énigmatique et il l’accepte.
On découvre, ou plutôt on devine, l’identité du pyromane avant la fin du livre. Mais peu importe car l’enquête est secondaire. Ce sont plutôt les liens filiaux ou fraternels qui prédominent. Et pourquoi pas la complexité de l’homme et de ce qui le caractérise, car parfois il agit d’une manière que certains jugeraient inutile ou idiote, et que rien, pas même la science ne peut expliquer. Que ce soit le viol, la décision ou non de garder l’enfant ; ou ces mathématiciens qui tentent de prouver un théorème vieux de 300 ans et qui y consacrent leur vie ; en passant par les opinions sur la mort, la justice, le code éthique ou morale ; et aux gênes qui n’expliquent pas tout au fond quand on y réfléchit. C’est en tout cas ce que, personnellement, je vois dans ce livre, il faudrait différents avis.
Il est vraiment intéressant, et se lit bien. Je veux bien le conseiller car l’auteur soulève de multiples questions et des sujets qui demanderaient des heures de débat (et de disputes, un peu comme la politique, car chacun a son opinion, veut la partager sans forcément arriver à accepter celle de l’autre, des désaccords humains), mais je n’ai pas été emballée par l’histoire. J’évite de le dire car on se moque de mon opinion personnelle. Et j’aime bien (sauf en de rares exceptions) ne pas critiquer un livre car nous avons tous nos goûts, et ce qui ne peut plaire à l’un peut plaire à l’autre. Voilà une réflexion qui aurait pu être dans ce livre.
Pour les amateurs de polar pur où le suspens est intenable, ce livre n’est peut-être pas fait pour vous. Je ne vois pas ce que je pourrais dire d’autre à part vous laisser vous faire votre propre opinion, comme les personnages de ce livre (notamment Haru qui n’en démord pas.)
Marion (Source image : Electre)