La grande librairie : Compte-rendu de l'émission de jeudi 10 janvier 2013 : la fidélité

Publié le par Marion L.

     François Busnel nous souhaite à tous une bonne année, pleine de fidélité, tout comme le sujet de cette semaine. Ils vont parler d’amour, de mariage, de sexe et d’infidélité, mais en bousculant les codes classiques du roman sentimental. Il faut oublier tout ce qu’on sait.

Sommaire :

  • Marie Minier : est un homme, le titre de son dernier roman. Dans la reine du silence, prix Médicis en 2004 elle évoque la figure de son père. Elle s’est essayée à la comédie et au chant avec le groupe des inconsolables. Elle écrit aussi des livres pour enfants, des pièces de théâtre…
  • Philippe Besson : directeur des ressources humaines, publie De là on voit la mer. Il décrypte l’intime, ce que l’amour peut provoquer de trahison, de désespoir. Arrière saison reçoit un prix.
  • Philippe Vilain : son personnage vit la douloureuse expérience de la trahison de la femme infidèle. En 97 il publie son premier roman : étreinte, inspiré de sa vie réelle : adultère, paternité imposée…
  • Jeffrey Eugenides, américain, le roman du mariage, son 3ème roman. Virgin suicides raconte le suicide de 5 sœurs, porté à l’écran par Coppola. Avec Middlesex il reçoit le prix Politzer. Il enseigne aujourd’hui l’écriture à l’université.
  • Librairie du théâtre à Bourg-en-Bresse.

     Un livre tous les 10 ans pour Jeffrey Eugenides. Fable, roman, une très belle réussite de cette rentrée. Il est question des écrivains français dans ses livres, ce pour quoi ils vont parler en premier. En France on peut être clair quand on écrit.

Marie Nimier : Je suis un homme : chez Gallimard : quand les femmes parlent des hommes c’est instructif. Mais quand une romancière à talent se met dans la peau d’un homme, à peine sorti de l’adolescence, obsédé par les choses du sexe, c’est magique. Elle préfère le terme d’intéressé plutôt que d’obsédé, c’est plus joli. Roman drôle et fragile, surtout de ce sexe fort. Elle voulait remettre ce thème sur la table. Ces 30 dernières années les choses ont changé, c’est un besoin de repenser à ça.

     Qui est cet homme dans lequel vous vous glissez. Aurait pu être autre chose ? Plus intéressant pour elle. Il est mal parti dans la vie. C’est une espèce d’Ulysse, qui ne serait pas sur le bon bateau et qui ne saurait pas naviguer. Essaie de se construire homme.

     Il souffre avec l’hyperacousie : il entend trop bien. C’est une souffrance depuis tout petit, donc lui donne un caractère solitaire.

     Autre caractère, a honte de ses origines, de son milieu social. Pourquoi intégrer ça ? La honte peut être un élément expliquant le rapport entre les deux sexes. Elle voulait parler de la construction d’un homme, fallait que ça parte d’un endroit pour aller dans un autre. Donc pour ça qu’il tombe amoureux d’une femme d’un autre milieu.

    Tombe vraiment amoureux ? Ou juste car d’un autre milieu ? Obligé d’être amoureux, tout le monde aime cette femme.

     Reconnaissance sociale ? Pas sûre, il ne fait rien pour, il est très tourné sur lui.

     Sa grande caractéristique : incapable de ressentir ce qu’est le plaisir féminin. Le plaisir des femmes n’est pas sa priorité. Il préfère qu’elles ne jouissent pas car entend trop bien. Et il a peur qu’elles s’attachent.

     Jeffrey Eugenides trouve qu’elle est très réaliste dans sa manière d’aborder ceci.

     Et puis il est très égoïste.

     Il retrouve deux copines du lycée, Delphine et Zoé. Quelles sont ses sentiments envers elles ? Fasciné par Delphine, il repousse Zoé car pas très jolie. Elle a un truc qui l’attire malgré tout. Quand il la retrouve, ce n’est pas possible, pas assez belle.

     Donc pour elle un homme ne s’intéresse qu’au physique ? Lui est comme ça mais pas tous les hommes. Il ira plus loin avec elle car il pourra la dominer.

     Se marie avec Zoé alors qu’il est fol amoureux de Delphine. Pas amoureux de Zoé mais touché. Il est le premier surpris d’être touché par cette femme qui ne rentre pas dans ses canons.

     Est-ce typiquement masculin de ne pas épouser celle que l’on aime mais celle qui nous touche ? Elle propose de poser la question aux hommes. Non, à elle de répondre. Elle n’aime pas ce qui est typiquement féminin ou masculin. Quand il y avait des généralités, elle remplaçait l’homme par une femme et le contraire, et ça fonctionnait.

     « Il me vient à l’esprit qu’il n’était pas très malin de tomber amoureux de LA femme idéale ». Oui, sinon où trouverait-il sa place ? Surtout lui qui a un grand besoin de dominer. Les femmes de sa vie sont des marches-pieds. Dur de se servir de Delphine.

     Première fois qu’il la rencontre il est à ses pieds. Cette idée de domination est une chose qu’on ne peut pas accepter quand on est un homme, pourquoi ce sujet vous parait-il important ? Envie de parler du machisme, ce qu’il nous reste de cette vieille chose, surtout la manière de regarder les femmes dans la rue. Fantasmer ? Fantasmer c’est le bon côté, mais certains regards donnent  juste envie de disparaitre.

     Il est très conscient de lui et avoue qu’il n’est qu’un mufle. Il lit le journal intime de sa femme. Devient un sale type ? Il est perdu, il essaye de se raccrocher au modèle qu’il a cru entendre dans son enfance. Une enfance trop courte où il n’était pas à sa place.

     Première phrase du livre : « l’enfance n’existe pas, pure coquille vide, elle n’est que l’invention de l’esprit » C’est lui qui le dit, c’est comme dire le conscient n’existe pas. C’est mis dans une boîte.

     Il épouse Zoé, il tient Delphine à distance mais pas trop, faut pas qu’elle l’oublie.

     Ce que Philippe Besson trouve réussi c’est qu’il n’est pas aimable mais on s’attache à lui. Trouve que Marie Nimier est un vrai écrivain, un romancier, parce qu’elle est vraiment cet homme là. Elle arrive à créer un héros violent, pas sympathique, mais qu’on finit par comprendre. On chemine avec lui, c’est lui qui parle.

     C’est tellement lui que la voix est l’un des ressort de ce suspens. Comment il va s’en sortir. Il monte une agence de casting de voix, des voix de comédiens. On connaissait, mais on ne connaissait pas un nouveau type de revue érotique pour les oreilles : septième ciel une revue érotique sonore. Marie Nimier est très sensible aux sons de l’amour (une confession qu’elle nous fait). Au chapitre des confessions, il se permet d’en sortir une qu’elle a faite ces derniers jours : dans le journal Le Monde, journal très sérieux, elle dit avoir écrit ce roman avec un totem. C’est un vibromasseur œuvre d’art en porcelaine. Pour elle ça symbolisait le plaisir de l’écriture, de la lecture, au moment où les mots vibrent sur la page. Cette idée que c’est un objet fragile, comme l’érection masculine. Symbole de l’homme fort… qui peut retomber à cause d’une image, d’une pensée. Elle trouve ça beau.

     Jeffrey Eugenides trouve étrange qu’on parle de ça à la télé. Mais dans son livre, un personnage offre ça à une jeune fille de 14 ans. C’est son propre frère (à l'auteur) qui lui a offert une boîte, c’est grossier, car un homme doit connaitre ces choses là. Des objets beaucoup venu de France, pour ça qu’il est là cette semaine.

     D’après François Busnel les lecteurs masculins apprennent beaucoup d'eux durant ce livre.

Philippe Besson : De là on voit la mer : chez Julliard : il se glisse dans la peau d’une femme. Rien à voir avec le tempérament de l’homme chez Marie Nimier… Une femme, Louise, part en Italie, dans une grande villa où elle écrit. Mariée à François depuis 10 ans, l’homme est habitué à ses absences. Au son de sa voix il sait que sa femme a un amant. Il sait qu’elle s’en va pour écrire, habitué d’être dans l’ombre. C’est une femme dominatrice, sans hésitation. Elle sait où elle va, elle domine ses sentiments, et elle assène des vérités qu’on ne dit  pas. Exemple : si tu devais choisir entre l’écriture et moi ? Elle répond l’écriture. C’est une phrase qu’il a déjà dite. A dite ou capable de la redire ? Aujourd’hui, là, non. Qui la prononcerait ? Marie Nimier ? Non, elle réussirait à contourner. Philippe Vilain ? Phrase forte, comme un normand il répondrait p’tête ben que oui, p’tête ben que non. Il s’en sortirait avec une pirouette.

     Quand Louise dit ça elle veut décider de ce que sera son écriture, ne doit pas lui venir. Elle se croit dieu quand elle invente ces histoires. C’est une menteuse ? Elle ment dans les livres mais ne supporte pas le mensonge dans la vie.

     Pourquoi une femme avec une telle exigence sur le mensonge, décide-t-elle de tromper son mari ? On ne raconte pas l’aventure dans le livre, juste qu’elle le lui dit : Elle regarde la mer, ce jeune homme, beaucoup plus jeune, qui arrive. Elle y va comme ça, sans se poser de questions. Il est là, elle est loin, elle écrit un livre. Elle ne s’est pas rêvé femme infidèle, pas retenue par l’interdit. Elle se dit que ça n’a pas d’importance. Et puis elle est rattrapée par le fait que ce n’est pas comme ça. Pour la première fois elle est face à une situation qu’elle ne comprend pas. Son intelligence lui crie que c’est idiot mais elle se laisse aller. Donc, comme aime la vérité, quand elle est face à son mari elle y va.

     On croit que ça va être une banale aventure sentimentale, mais un suspens qui mène vers le thriller. Ils sont contraints à parler par la suite, font un bilan : est-ce que ça fonctionne ? Les couples qui ont la météo comme thème de conversation, soit ce sont les plus solides où ceux qui ne savent plus quoi se dire. Elle pourrait se montrer avec de la sympathie pour lui, mais non, reste froide. Il veut parler, alors ils vont parler. Ca l’oblige à se dire que cet homme en Italie, ce n’était pas si frivole et léger qu’elle le pensait.

     Un moment on se dit qu’on va se lasser. Très vite ça devient autre chose qu’une femme infidèle, le point de vue de l’homme trompé. Ne fait pas de scandale, pourquoi accepte-il ? Car toujours dans ce rôle là, toujours dominé par elle. Il le reste jusqu’au bout. Il a l’impression qu’elle fait quelque chose qu’il ne pourrait pas faire. Et il est plus amoureux qu’elle, croit qu’ils peuvent sauver leur couple.

     Une grandeur d’âme ? Non, l’amour ne suppose pas de s’humilier. On peut faire des actes fou, mais pas jusqu’à l’humiliation, la salissure, la négation de soi. Et c’est ce qu’il fait, car accepte un marché inacceptable. Car elle repart, choisit l’amant. Il n’est qu’un faire valoir, si ça ne marche pas avec l’autre, elle revient. Au début il n’avait comme concurrent que la solitude, car elle la retrouvait pour l’écriture. Il n’a pas le droit de rentrer dans son univers. Il s’était fait à cette concurrence, mais là c’est un homme de 20 ans.

     A quoi reconnait-on qu’on est amoureux ? Elle le dit : au manque, à l’idée que d’un coup on ne peut plus se passer de quelqu’un, faut revenir vers lui. Elle a le sentiment qu’elle est indépendante, égoïste, et elle se met en situation de dépendance. Quand elle doit revenir en France, pour des raisons cachées dans l’émission, elle a besoin de sa sensualité, besoin de son amant. Il lui dit qu’il n’aime pas la femme qu’elle était quand elle avait 20 ans, mais celle-ci, celle de 40 ans.

     Marie Nimier avoue qu’elle n’aimerait pas trop qu’on lui dise ça. Si on peut éviter c’est mieux, préfère d’autres preuves d’amour. L’idée c’est qu’il ne raconte pas d’histoire.

      Au cœur de ses romans : il a fait des compromis depuis le début, mais maintenant il prend les histoires à l’envers, on se dit tout dès le départ, on ne se montre pas plus beau qu’on ne l’est. A prendre ou à laisser. C’est devenu un préalable, pas un truc qui nous rattrape. Jamais bousculé à cause de ses propos ? Arrivé, mais là ça va.

     On peut écrire des grands livres quand on ne va pas mal ? Il a toujours écrit en étant malheureux et seul. Maintenant qu’il est heureux et avec quelqu’un, il n’est pas sûr d’y arriver. Serait-ce son dernier livre ?

Philippe Vilain : La femme infidèle : chez Grasset : A beaucoup écouté le trajet d’un homme cocu, et justement c’est le thème de son livre qui aurait dû s’appeler l’homme fidèle. L’histoire d’un homme, pas un couple avec un romancier, car elle est consultante, lui comptable. Ensemble depuis 8 ans. Il tombe sur un sms plus qu’explicite, découvre que sa femme le trompe. Pas une réaction attendue. Comment réagit-il ? Là où tous les hommes réagiraient violemment, lui ne fait rien. Il ne peut réagir, demander des explications. Il commence à observer sa femme, à la reconsidérer elle et son couple, se réinterroger sur cette histoire. Il se rend compte d’avoir vécu ces 8 ans sans se poser de questions. L’infidélité est pour lui une sorte d’aventure.

     Est-ce du déni ? Non, tous les livres qu’il fait sont sur rien, sur des histoires ordinaires, communes. Son matériau c’est le banale, il ne se passe pas grand-chose dans ses livres.

     C’est le rien mais au moment où la tragédie débarque il n’y a plus ce rien. Le présentateur n’est pas d’accord avec l’auteur. C’est le rien au sens de banal, de reprendre toujours le même thème de la relation  amoureuse, d’ausculter le cœur humain, et à chaque nouveau livre de rentrer dans un état amoureux, de la peindre en une succession de tableau.

     Ont-ils une logique ces tableaux? Vous aident-ils à mieux éclairer l’état ? N’écrit pas pour dire qu’il va tenter de comprendre quelque chose, toujours une idée qui surgit, une force de l’obsession. Deux catégories d’écrivains : obsessionels, ceux qui reviennent sur une même idée, et les autres qui peuvent changer de sujet. Se classe dans la première famille. Il se nourrissait d’un idéal, l’écrivain d’un seul livre. Pas cet écrivain, donc refait un autre livre… Il a un livre idéal qu’il n’arrive pas à atteindre.

     Dans son livre quelque chose qui éclaire la lecture : l’histoire du myope et du lampadaire. Le myope cherchait ses clés sous un lampadaire, un passant lui demande s’il est sûr que les clés sont là. Non, il les cherche ici car c'est ici qu’il y a de la lumière. On cherche toujours dans des directions qui nous arrangent, mais pas dans la vérité même.

     Le personnage découvre plus de choses sur lui que sur cette femme, exemple : il se rend compte qu’il pensait moins l’aimer quand elle avait un amant, mais au contraire il la désirait d’avantage. Un phénomène habituel, « triangularisation » du désir.

     Il réhabilite une figure mal aimée de la littérature classique française et russe : le cocu. Voici le livre qui les venge tous. On s’intéresse enfin à leurs états d’âme. Il a choisi d’aborder l’infidélité, non pas de l’amant, mais de l’homme trompé. Ecrire du point de vue de la défaite conjugale. Dans le classique, on représente toujours l’infidélité du point de vue des triomphants : Anna Kéranine, Madame Bovary… Il lui semble qu’il voulait réhabiliter une figure un peu mal aimée, important pour lui.

     Marie Nimier lui demande pourquoi ne pas l’avoir intitulé l’homme trompé ? S’il écrivait un roman il donnerait son nom, Pierre Grimaldi au livre, mais non donne le bonheur à sa femme.

     François Busnel cite un passage qui explique qu’on pense que ce sont les hommes qui ne pensent qu’à ça, mais pour lui, Pierre Grimaldi, ce sont les femmes. Il se place dans la conscience d’un homme trompé qui peut s’autoriser à des généralités qui peuvent choquer. Dans son désarroi, pense que ce sont les femmes qui ne pensent plus qu’à ça, car lui-même trompé par sa femme. Jamais il ne pouvait concevoir qu’après tout ce temps sa femme puisse le tromper. Pour cela qu’il rentre dans cet état.

     Marie Nimier? Hommes ou femmes qui y pensent le plus ? Ne veut pas répondre. On y pense beaucoup, c’est dans l’imaginaire de la femme. Le désir féminin est plus assumé, moins caché d’interdit qu’avant selon Philippe Besson.

     Deux pages formidables sur les femmes, que l’on aime ou non… Est-ce qu’un aveu efface une trahison ? Ne pense pas, permet de colmater, de réparer, mais pas d’effacer. Peu importe. On n’oublie jamais rien. La question est de savoir faire le deuil, de réparer, mais on n’oublie pas.

     Fidélité est une garantie d’aimer ? Non. On peut tromper tout en aimant, et être fidèle en n’aimant pas vraiment, en s’arrangeant avec ses sentiments. Pas de généralités, faut faire du cas par cas.

Librairie : Bourg-en-Bresse, librairie du théâtre, dirigée par Lydie Zannini : Quand elle avait 10 ans son père tenait une maison de la presse et elle est tombée dedans comme Obélix. Libraire depuis qu’elle a 18 ans.

     Son coup de cœur pour 2013 : l’atelier des miracles de Valérie Tong Cuong ; car un roman qui permet à trois personnages qui descendent au fond du trou de remonter. Mariette, soumise à ses parents comme à son mari, Milie qui n’a pas eu une enfance heureuse et monsieur Mike en Afghanistan et maintenant déserteur. Sont réunis par l’intermédiaire d’un homme. C’est un roman qui redonne de l’espoir. (Valérie Tong Cuong sera invitée dans 15 jours sur ce plateau.)

Jeffrey Eugenides : Le roman du mariage : chez l’olivier : Dans les années 80, aux USA. 3ème roman. Après Virgin suicides et Middlesex (histoire d’un hermaphrodite.) L’histoire se déroule sur le campus d’une université, une jeune femme, Madeleine, deux soupirants dont un maniacodépressif, et un autre dans la théologie. Comment est-il né ce roman ? A partir d’une erreur, il écrivait un autre roman sur une famille riche avec une soirée des débutantes. Peut-être 50 personnages qui arrivaient, et trois d’entre eux étaient Madeleine, Mitchell et Léonard. Il s’est rendu compte que ça n’allait pas, quelque chose était mort. Ca sentait comme un sofa qu’on achète d’occaz. Un matin il a écrit un passage sur Madeleine. Ses problèmes commençaient avec une théorie française qui déstructure l’amour. Elle a tenté d’être intellectuelle sur l’amour. Et elle tombe amoureuse du mec assis à côté d’elle.

     A la fois un roman sur l’Amérique des années 80 et la France des années 60 : le structuraliste comme Michel Foucault. Quelle a été l’influence sur les mœurs américaines ? Un peu en retard à arriver dans la traduction. Des divisions énormes dans les universités. Une bagarre sur la façon de lire les livres. Une bagarre si forte qu’ils se sont séparés, et sont devenus deux départements. C’est comme être un enfant d’un couple en train de divorcer pour les étudiants. Il a commencé à mettre un doigt dans la sémiologie et dans la littérature classique.

     D’un côté la face maniaque (Jane Austen) et de l’autre le côté dépressif, il n’y a plus de sujet dans le roman (français : Derrida.) On peut le voir comme ça, il n’a jamais réfléchi de cette manière là.

     Le seul qui trouve grâce à ses yeux, c’est Roland Barthes, les fragments du discours amoureux. Bien lu par le personnage de Madeleine ? Elle a lu mais fait l’inverse de ce qu’il préconise. Ce livre a un effet curieux sur les gens, ça déconstruit tous les éléments de l’amour. L’idée c’est que si on lit ce bouquin on aura une armure contre la passion, on arrête d’être un idiot amoureux. Mais écrit d’une manière tellement poétique, que ce livre vous rend romantique, on sent que Barthes souffre, qu’il est celui qui attend près du téléphone.

     Qui est Madeleine qui ne sait qui choisir ? C’est une fille traditionnelle, d’une famille riche, et espère s’échapper de cette tradition et la restriction de son éducation. Pour cela que Leonard l’attire beaucoup. Sa relation est basée sur le témoignage de femmes tombées amoureuses de ce genre de personnages.

     Donc lui, plutôt du côté de Mitchell ? Celui qui n’arrive pas à emballer la fille ? Un peu tous les personnages, mais Mitchell a beaucoup de ses qualités, va en Europe, en Inde, correspond à sa biographie. Mais beaucoup de scènes où Madeleine, ou Léonard, font des choses qu’il a faites.

     Un mariage réussi pour un écrivain n’est pas celui qui rate ? Oui. Il n’y a rien de plus emmerdant que d’écrire sur un couple heureux. Le bonheur s’écrit en blanc, ça n’apparait pas sur la page. Ecrit sur le début de l’amour. Les gens ne rendent pas l’amour qu’on leur porte.

     Pas de bonheur en amour, sauf dans les romans anglais. Pourquoi ce roman ne pouvait pas se dérouler aujourd’hui ? C’est l’histoire de ces trois jeunes qui quittent la fac pour rejoindre le monde réel, dans une répression terrible, comme aujourd’hui.

     Un livre sur la maladie, sur la dépression ? Car prend une place importante avec Léonard. C’est un roman sur la maladie bipolaire, c’est la seule maladie mentale qui a un bénéfice. Il a les meilleurs moments de la vie. Finit toujours par la catastrophe, faut se priver de sa meilleur part, c’est ce qui est difficile. Les bipolaires tentent de manipuler leur médecin. C’est ce qui l’attire.

     Des questions autour de l’amour, des pièges. Être triste après une rupture, est-ce de l’amour ? ou que du narcissisme ? Si c’est du narcissisme, ça expliquerait pourquoi il en a souffert. Plus il vieillit et plus il est d’accord avec la définition du narcissisme, mais quand on est jeune c’est fort.

     Est-ce que l’amour transcende tout ? Des différences sociales ou même mentales ? En ce qui concerne son livre, ce n’est pas un expert dans l’amour, ça ne transcende pas. Madeleine croit qu’elle peut guérir Léonard avec son amour. Mais la maladie est plus forte que l’amour.

    Transposition du grand roman victorien, de Jane Austen dans les années 80 aux Etats-Unis.

     Un rappel du titre des ouvrages. Et François Busnel rend hommage à Pierre Veilletet, mort la veille de l’émission. Formidable écrivain, a écrit : Bords d’eaux. La semaine prochaine, consacrée au théâtre.

Marion L.

Publié dans Autour du livre

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